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DE MARGUERITE DE NAVARRE

que dehors, leur langue est un traquet de moulin & un vray cymbale, en sorte que, quand elles caquettent leurs inepties, on diroit, à les ouïr, que c’est un tintamarre de chaulderons, tabourins & clochettes. Mais que jugerons nous aultre chose de ces gays & de ces pies sinon que, quand elles deprisent ainsi leurs maris, elles se monstrent peu honnestes & se déclarent estre peu chastes ? Nous lisons Phidie avoir fait aux Elienses Venus marcheante sur une tortue ; cela certes estoit pour monstrer l’office des femmes estre de garder leur maison & y faire silence. Car, comme dit Euripide, celles qui ne se peuvent taire devant leurs maris se deshonorent, & Démocrite appeleoit le peu de langage en la femme l’ornement, la parure & les joyaus de la femme ; Epicharme disoit que c’est un signe de bonté en elle ; Nicostrate nommeoit le silence gaige de chasteté..

Or Marguerite sçavoit tout cecy, car elle avoit aprins, non seulement des auteurs ethniques, mais aussi des catholiques & chrestiens, combien doivent les femmes honorer, révérer, craindre & aymer leurs maris, tant soient elles nobles & riches, & euls pauvres, abjects & venus de bas lieu.

Comment ? T’émerveilles tu quand tu m’entends dire que Marguerite a leu, tant aux livres des Philosophes & aultres ethniques qu’aux Escriptures Sainctes, les préceptes & institutions pour vivre vertueusement &, en vray Prince, a retenu & gardé ce qu’elle y avoit leu & le réciteoit, tantost en sa maison avec ses Domestiques, tantost publiquement & devant un chascun ? Que penses tu donc ? Que Marguerite devoit estre semblable aux Dames de Court, qui passent le jour en oisiveté & vaines parolles ou ne s’empeschent qu’aux occupations & exercices fémi-