Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
XIXe NOUVELLE

çeut devotement, dont furent advertiz le Marquis & la Marquise, qui le trouvèrent si estrange que à peine le pouvoient ils croire.

Pauline, pour ne se monstrer subjecte à nulle amour, dissimula le mieulx qu’il luy fut possible le regret qu’elle avoit de luy, en sorte que chascun disoit qu’elle avoit bien tost oublié la grande affection de son loyal serviteur. Et ainsi passa cinq ou six mois sans en faire autre demonstrance. Durant lequel temps luy fut par quelque Religieux monstrée une chanson que son serviteur avoit composée ung peu après qu’il eut prins l’habit, de laquelle le chant est italien & assez commun, mais j’en ay voulu traduire les mots en françois le plus près qu’il m’a esté possible, & sont tels :

Que dira elle,
Que fera elle
Quand me verra de ses yeulx
Religieux ?

Las ! la pauvrette,
Toute seullette,
Sans parler longtemps sera ;
Eschevelée,
Desconsolée,
L’estrange cas pensera.
Son penser par avanture
En monastère & closture
À la fin la conduira.

Que dira elle, &c ?