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XXJe NOUVELLE

cher le bien que en ma jeunesse j’eusse peu avoir. Mais, à fin que vous congnoissiez que l’amitié que je vous porte est fondée sur la vertu & sur l’honneur, vous me promecterez, que si j’accorde ce mariage, de n’en pourchasser jamais la consommation que mon père ne soit mort ou que je n’aye trouvé moyen de l’y faire consentir, » ce que luy promist voluntiers le bastard, & sur ces promesses se donnèrent chascun ung anneau en nom de mariaige, & se baisèrent en l’église devant Dieu, qu’ils prindrent en tesmoing de leur promesse, & jamais depuis n’y eut entre eulx plus grande privaulté que de baiser.

Ce peu de contentement donna grande satisfaction au cueur de ces deux parfaicts amans, & furent ung temps sans se veoir, vivans de ceste seureté. Il n’y avoit guères lieu où l’honneur se peust acquérir que le bastard de bonne maison n’y allast avec ung grand contentement qu’il ne pouvoit demeurer pauvre, veu la riche femme que Dieu luy avoit donnée, laquelle en son absence conserva si longuement ceste parfaicte amityé qu’elle ne tint compte d’homme du monde. Et, combien que quelques ungs la demandassent en mariage, ils n’avoient néantmoins autre response d’elle sinon que, depuis qu’elle avoit tant demeuré sans estre mariée, elle ne vouloit jamais l’estre.

Ceste response fut entendue de tant de gens