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XXJe NOUVELLE

qu’il vous plaira, je ne prendray moins de plaisir à la souffrir sans raison que vous aurez à la me donner. Parquoy, Madame, commandez à Monsieur mon père quel torment il vous plaist que je porte, car je sçay qu’il n’y fauldra pas. Au moins seray je bien aise que seullement pour mon malheur il suyve entièrement vostre volunté & que, ainsy qu’il a esté négligent à mon bien suyvant vostre vouloir, il sera prompt à mon mal pour vous obéyr. Mais j’ay ung père au Ciel, lequel, je suis asseurée, me donnera autant de patience que je me voy de grands maulx par vous préparez, & en luy seul j’ay ma parfaicte confiance. »

La Royne, si courroucée qu’elle n’en pouvoit plus, commanda qu’elle fust emmenée de devant ses œilz & mise en une chambre à part où elle ne peust parler à personne ; mais on ne luy osta point sa gouvernante, par le moyen de laquelle elle feit sçavoir au bastard toute sa fortune & ce qu’il luy sembloit qu’elle devoit faire, lequel, estimant que les services qu’il avoit faicts au Roy luy pourroient servir de quelque chose, s’en vint en diligence à la Court & trouva le Roy aux champs, auquel il compta la verité du faict, le suppliant que à luy, qui estoit pauvre Gentil homme, voulust faire tant de bien d’appaiser la Royne en sorte que le mariage peust estre consommé.