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IIJe JOURNÉE

se meist dedans le lict, disant qu’elle vouloyt reposer. Toutes ses femmes la laissèrent seulle fors une à qui elle se fyoit, à laquelle elle dist : « Allez vous en au jardin, & me faictes venir celluy que vous trouverez au bout de l’allée. »

La Chamberière y alla & trouva le Pallefrenier qu’elle amena incontinent à sa Dame, laquelle feyt sortir dehors la dicte Chamberière pour guetter quant son mary viendroyt. Monseigneur d’Avannes se voyant seul avecq la Dame, se despouilla des habillemens de Pallefrenier, osta son faulx nez & sa faulse barbe, &, non comme craintif Pallefrenier, mais comme bel Seigneur qu’il estoyt, sans demander congé à la Dame, audatieusement se coucha auprès d’elle, où il fut receu ainsy que le plus beau filz qui fust de son temps debvoyt estre de la plus belle & folle dame du pays, & demoura là jusques ad ce que le Seigneur retournast, à la venue duquel, reprenant son masque, laissa la place que par finesse & malice il usurpoyt.

Le Gentil homme, entrant en sa court, entendyt la dilligence qu’avoyt faict sa femme de bien luy obéyr, dont la mercia très fort : « Mon amy, » dist la dame, « je ne faictz que mon debvoir. Il est vray qui ne prandra garde sur ces meschans garsons, vous n’auriez chien qui ne fust galleux, ne cheval qui ne fust bien maigre ; mais,