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XXVJe NOUVELLE

du vostre pour le plus parfaict qu’elle a pu trouver ; par quoy je vous recongnois & confesse non seullement vertueuse, mais la seule vertu ; & moy, qui la voys retenue soubz le vèle du plus parfaict corps qui oncques fut, la veulx servir & honnorer toute ma vie, laissant pour elle tout autre amour vaine & vicieuse. »

La Dame, non moins contante que esmerveillée d’oyr ces propos, dissimula si bien son contentement qu’elle luy dist : « Monseigneur, je n’entreprendz pas de respondre à vostre théologie, mais, comme celle qui est plus craignant le mal que croyant le bien, vous vouldrois bien supplier de cesser en mon endroict les propos dont vous estimez si peu celles qui les ont creuz. Je sçay très bien que je suis femme, non seullement comme une aultre, mais imparfaicte, & que la Vertu feroyt plus grand acte de me transformer en elle que de prandre ma forme, sinon quant elle vouldroyt estre incongneue en ce Monde, car soubz tel habit que le myen ne pourroyt la Vertu estre congneue telle qu’elle est. Si est ce, Monseigneur, que pour mon imperfection je ne laisse à vous porter telle affection que doibt & peut faire femme craingnant Dieu & son honneur. Mais ceste affection ne sera declarée jusques ad ce que vostre cueur soit susceptible de la patience que l’amour vertueux commande. Et à l’heure, Monseigneur,