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IIJe JOURNÉE

tion, car elle pensoit que l’occasion faisoyt le péché & ne sçavoit pas que le péché forge l’occafion.

La jeune Dame veuve se donna du tout au service Divin, fuyant entièrement toutes compaignies de mondanitė, tellement qu’elle faisoyt conscience d’assister à nopces ou d’ouyr sonner les orgues en une église. Quant son filz vint en l’aage de sept ans, elle print ung homme de saincte vie pour son Maistre d’escolle, par lequel il peust estre endoctriné en toute saincteté & dévotion.

Quand le filz commencea à venir en l’aage de quatorze à quinze ans, Nature, qui est Maistre d’escolle bien secret, le trouvant bien nourry & plain d’oisiveté, luy aprint autre leçon que son Maistre d’escolle ne faisoyt. Commencea à regarder & desirer les choses qu’il trouvoit belles, entre autres une Damoiselle qui couchoit en la chambre de sa mère, dont ne se doubtoyt, car on ne se gardoyt non plus de luy que d’un enfant, & aussy que en toute la maison on n’oyoit parler que de Dieu.

Ce jeune gallant commencea à pourchasser secrettement ceste fille, laquelle le vint dire à sa Maistresse, qui aymoit & estimoit tant de son filz qu’elle pensoyt que ceste fille luy dist pour le faire hayr ; mais elle en pressa tant sa dicte Maistresse qu’elle luy dist : « Je sçauray s’il est vray & le chastieray si je le congnois tel que vous dictes, mais aussy, si vous luy mectez assus ung tel cas &