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IIJe JOURNÉE

science, envoia quérir plusieurs Docteurs en théologie, auxquels il communicqua l’affaire, sans nommer les personnaiges, & trouva par leur conseil que la Dame ne debvoyt jamays rien dire de cest affaire à ses enffans, car, quant à eulx, veue l’ignorance, ilz n’avoient poinct péché, mais qu’elle en debvoyt toute sa vie faire pénitence sans leur ung seul semblant.

Ainsy s’en retourna la pauvre Dame en sa maison, où bientost après arrivèrent son filz & sa belle-fille, lesquelz s’entre aymoient si fort que jamais mary ny femme n’eurent plus d’amityé & semblance, car elle estoit sa fille, sa seur & sa femme, & luy à elle son père, frère & mary. Ils continuèrent tousjours en ceste grande amityé, & la pauvre Dame en son extresme pénitence ne les voyoit jamais faire bonne chère qu’elle ne se retira pour pleurer.


« Voylà, mes Dames, comme il en prent à celles qui cuydent par leurs forces & vertu vaincre Amour & Nature avecq toutes les puissances que Dieu y a mises. Mais le meilleur seroyt, congnoissant sa foiblesse, ne jouster poinct contre tel ennemy, & se retirer au vray amy & luy dire avecq le Psalmiste : « Seigneur, je souffre force ; respondez pour moy ».

— Il n’est pas possible, » dist Oisille, « d’oyr racompter ung plus estrange cas que cestuy cy, & me semble que tout homme & femme doibt icy baisser la