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XLe NOUVELLE

conclurent & perfeirent le mariage sans que personne en sçeut rien que ung Prebstre & quelques femmes.

Et, après avoir vescu quelques années au plaisir que homme & femme mariez peuvent prendre ensemble, comme l’un des plus beaux couples qui fût en la Chrestienté & de la plus grande & parfaicte amityé, Fortune, ennuyeuse de veoir deux personnes si à leurs ayses, ne les y voulut sousfrir, mais leur suscita ung ennemy qui, espiant ceste Damoiselle, apperçeut sa grande félicité, ignorant toutesfoys le mariage, & vint dire au Seigneur de Jossebelin que le Gentil homme, auquel il se fyoit tant, alloyt trop souvent en la chambre de sa seur, & aux heures où les hommes ne doibvent entrer, ce qui ne fut creu pour la première foys, de la fiance qu’il avoyt à sa seur & au Gentil homme.

Mais l’autre rechargea tant de fois, comme celluy qui aimoyt l’honneur de la Maison, qu’on y meist ung guet tel que les pauvres gens, qui n’y pensoient en nul mal, furent surprins ; car, ung soir que le Seigneur de Jossebelin fut adverty que le Gentil homme estoit chez sa seur, s’y en alla incontinant & trouva les deux pauvres aveuglez d’amour couchez ensemble. Dont le despit luy osta la parolle &, en ostant son espée, courut après le Gentil homme pour le tuer. Mais luy, qui estoit