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IIIJe JOURNÉE

sante pour s’en venger, qu’elle espèroyt en Celluy, qui estoyt vray juge & qui ne laisse mal aucun impugny, avecq l’amour duquel seul elle vouloyt user le demorant de sa vie en son hermitage. Ce qu’elle feyt, car jusques à la mort elle n’en bougea, vivant en telle patience & austérité que après sa mort chacun y couroyt comme à une saincte.

Et, depuis qu’elle fut trespassée, la Maison de son frère alloyt tellement en ruyne que de six filz qu’il avoyt n’en demeura ung seul, & morurent tous fort misérablement, & à la fin l’héritage demoura, comme vous avez oy en l’autre compte, à sa fille Rolandine, laquelle avoyt succédé à la prison faicte pour sa tante.


« Je prie à Dieu, mes Dames, que cest exemple vous soyt si profitable que nulle de vous ayt envye de soy marier pour son plaisir, sans le consentement de ceulx à qui on doibt porter obéissance ; car mariage est ung estat de si longue durée qu’il ne doibt estre commencé legièrement ne sans l’opinion de nos meilleurs amys & parens. Encores ne le peult on si bien faire qu’il n’y ayt pour le moins autant de peine que de plaisir.

— En bonne foy, » dist Oisille, « quant il n’y auroyt poinct de Dieu ne Loy pour aprendre les filles à estre saiges, cest exemple est suffisant pour leur donner plus de révérence à leurs parens que de s’adresser à se marier à leur volunté.