Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
IJe JOURNÉE

Madame la Régente, mais la bailla à une aultre & se retira en une chapelle, où elle passa l’envie qu’elle avoit de rire.


« Il me semble, mes Dames, que celles à qui on présente de telles choses debvroient desirer en faire œuvre qui vint à aussi bonne fin que feyt ceste bonne Dame, car elles trouveroient que les bienfaicts sont les joyes des biens faisans. Et ne fault poinct accuser ceste Dame de tromperie, mais estimer de son bon sens, qui convertit en bien ce qui de soy ne valoit riens.

— Voulez vous dire, » ce dist Nomerfide, « qu’un beau diamant de deux cens escus ne vault riens ? Je vous assure que, s’il fust tumbé entre mes mains, sa femme ne ses parents n’en eussent riens veu. Il n’est rien mieulx à soy que ce qui est donné. Le Gentil homme estoit mort, personne n’en sçavoit rien ; elle se fust bien passée de faire tant plorer ceste pauvre vieille.

— En bonne foy », ce dist Hircan, « vous avez raison, car il y a des femmes qui, pour se monstrer plus excellentes que les aultres, font des œuvres apparantes contre leur naturel, car nous sçavons bien tous qu’il n’est riens si avaricieux que une femme. Toutesfois leur gloire passe souvent leur avarice, qui force leurs cueurs à faire ce qu’elles ne veulent, & croy que celle qui laissa ainsi le diamant n’estoit pas digne de le porter.

— Hola ! hola ! » ce dist Oisille ; « je me doubte bien qui elle est, par quoy, je vous prie, ne la condamnez poinct sans l’oyr.