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XIIJe NOUVELLE

— Ma Dame, » dist Hircan, « je ne la condamne poinct, mais, si le Gentil homme estoit autant vertueux que vous dictes, elle estoit honorée d’avoir ung tel serviteur & de porter son anneau ; mais peut estre que ung moins digne d’estre aimé la tenoit si bien par le doigt que l’anneau n’y pouvoit entrer.

— Vrayement, » ce dist Ennasuitte, « elle le pouvoit bien garder puisque personne n’en sçavoit rien.

— Comment ? » ce dist Geburon, « toutes choses à ceulx qui ayment sont elles licites, mais que l’on n’en sache riens ?

— Par ma foy, » ce dist Saffredent, « je ne vois onques meffaict pugny, sinon la sottise, car il n’y a meurtrier, larron, ny adultère, mais qu’il soit aussi fin que maulvais, qui soit jamais reprins par Justice, ny blasmé entre les hommes. Mais souvent la malice est si grande qu’elle les aveugle, de sorte qu’ils deviennent sots, &, comme j’ay dict, seulement les sots sont punis & non les vicieux.

— Vous en direz ce qu’il vous plaira, » ce dist Oisille ; « Dieu peut juger le cueur de ceste Dame, mais, quant à moy, je treuve le faict très honneste & vertueux. Pour n’en débattre plus, je vous prie, Parlamente, donner vostre voix à quelqu’un.

— Je la donne très voluntiers, » ce dist elle, à Simontault ; « car, après ces deux tristes Nouvelles, il ne fauldra de nous en dire une qui ne nous fera poinct plorer.

— Je vous remercie, » dist Simontault ; « en me donnant vostre voix, il ne s’en fault guères que ne me nommiez plaisant, qui est un nom que je trouve fort fascheux, &, pour m’en venger, je vous monstreray