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XLIIJe NOUVELLE

tresse, ne retourna le Gentil homme en ceste maison, ne oncques puys n’ouyt de nouvelles de celle qui luy avoyt bien promis qu’il la perdroit de l’heure qu’il la chercheroyt.


« Par quoy, mes Dames, povez veoir comme celle qui avoyt préféré la gloire du Monde à sa conscience a perdu l’un & l’autre, car aujourd’huy est leu aux œilz d’un chacun ce qu’elle vouloyt cacher à ceulx de son amy, &, fuyant la mocquerye d’un, est tumbée en la mocquerye de tous. Et si ne peut estre excusée de simplicité & amour naifve, de laquelle chacun doibt avoir pitié, mais accusée doublement d’avoir couvert sa malice du double manteau d’honneur & de gloire & se faire devant Dieu & les hommes aultre qu’elle n’estoyt, mais Celluy qui ne donne poinct sa gloire à aultruy en descouvrant ce manteau luy en a donné double infamye.

— Voilà, » dist Oisille, « une vilenye inexcusable, car qui peut parler pour celle, quant Dieu, l’Honneur & mesme l’Amour l’accusent.

— Oui, » dist Hircan, « le plaisir & la Folie, qui sont deux grands Advocatz pour les Dames.

— Si nous n’avions d’autres Advocatz, » dist Parlamente, « que eulx avecq vous, nostre cause seroyt mal soustenue ; mais celles qui sont vaincues en plaisir ne se doibvent plus nommer femmes, mais hommes desquelz la fureur & la concupiscence augmente leur honneur, car ung homme, qui se venge de son ennemy & le tue pour un desmentir, en est estimé plus gentil compaignon ; aussy est il quant il en ayme une douzaine avecq sa femme. Mais l’honneur des femmes a