Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
DE LA R. DE NAVARRE

Prens à tesmoing, luy priant que vaincqueur
Par vérité soit de ceste mensonge,
Qui en soy n’a force non plus qu’un songe.
Je luy remectz mon droict entre les mains,
Luy suppliant que à vous, amy, au moins
Avant ma mort face veoir clerement
Comme vous seul j’ay aymé fermement.
Il le vous peult dedens le cœur escripre,
Mais mon ennuy ne me permect le dire ;
Porter le veulx le mieulx que je pourray ;
Si je ne puis, par regret je mourray.

Folio 116 recto à 118 verso.

Amour, Honneur ont eu débat ensemble.
Honneur a dit : « Amour, il faut partir.
— Comment, Honneur ? » dist Amour, « il me semble
Que à ma demeure il vous fault consentir ;
Si je m’en voys, il vous fauldra sortir,
Et sans nous deux elle deviendra beste ;
Laissés moy doncq son cœur, prenés sa teste. »
Luy emprompter son blanc abillement[1],
Jurant ses loix garder entièrement,
Il fust reçeu, & eust bien la science
De faindre avoir très bonne conscience ;
Mais, les moyens & lieux & temps venus,
L’occasion feist que l’expérience
Le monstre filz naturel de Vénuz.

Folio 127 verso.
  1. Au sens de : « Après avoir emprunté ». Cet emploi de l’infinitif est fréquent au milieu du XVIe siècle & particulièrement dans Rabelais.
Hept. IV.
22