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ET DES MARIÉES

Qui n’eussent sçeu soubhaicter mieux,
Mais tout soubdain du hault des Cieulx
Les ay veu descendre bien bas.
Je prise & loue voz esbatz ;
La vertu, qui vous rend parfaicte,
Vous ha ainsi joyeuse faicte.
Toutesfois, ne l’auctorisez
Tant que les autres desprisez.
Amour est un fin & faulx Ange,
Qui très cruellement se venge
De ceux qui de luy n’ont faict compte,
Car un orguilleux crainct la honte.
Plus il vous veoit honneste & belle,
Envers luy cruelle & rebelle,
Plus il desire droict frapper
En vostre cueur & l’attrapper,
Ce que jusques icy n’a faict,
N’ayant trouvé nul si parfaict
Qui méritast vostre amytié.
Si une fois vostre moictié
Amour met devant voz beaulx yeulx,
Onques personne n’ayma mieulx
Que vous ferez, j’en suis certaine.
Ce sera la Bonté haultaine[1],
Qui par le temps y pourveoyra.
Jusques là l’on ne vous verra
Aymer, car vous estes trop fine,
Je le voy bien à vostre myne,
Car de rien ne faictes semblant.
Amour, qui va les cueurs emblant,

  1. Celui qui règne au haut des cieux. — M.