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LES MADELINOTS

glaces qui débarque péniblement d’énormes sacs de malle dans les bottes venus au-devant de lui. Grande fête, alors, partout ! Les journaux frais de deux mois, les lettres vieillies des parents du Saguenay, de la Côte-Nord, du Lac-au-Saumon, renouvellent un peu les sujets de conversation, depuis longtemps usés et ravaudés. On dit qu’à cette occasion tous les Madelinots et les Madelinotes en état de tenir une plume sortent l’encrier de la commode et tâchent de trouver quelqu’un sur la grand’terre à qui écrire !… De sorte que, quand le navire, déroulant dans le ciel vierge son panache évanescent de fumée grise, repart à travers les eaux désertes du Golfe, il emporte dans ses flancs d’acier des milliers de lettres où les beaux mots acadiens expriment avec la nuance qui leur est propre, toute la gamme infinie des sentiments humains depuis le banal souvenir des rencontres de hasard, jusqu’au cri quasi divin de l’amour maternel !…

Durant l’été, si l’on n’a guère le temps de manger ni de dormir, on pense encore moins à nocer. Aussi les mariages ont-ils presque toujours lieu entre Noël et le Mercredi des Cendres. Aussitôt qu’il est bien avéré qu’à telle date Edmond à Alphé s’unira à Louise à Jean, les femmes des environs viennent d’elles-mêmes offrir leurs services pour faire les tortasseries. Deux jours avant les noces, deux voitures portant, l’une, le