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CROQUIS LAURENTIENS

les cuves, le tonneau pour recueillir les foies, tout dormait sur la grève sous l’averse de rayons, dans l’absolu repos dominical. Par centaines, les cages à homard, encore remplies de chancres (crabes) et de bourlicocos (coquillages spiralés), secs et blanchis, s’empilaient au bord du chemin et sur les petits caps de grès rouge. Partout traînaient les bœilles et les picaces désormais inutiles.

Les petites salines à toit pointu, serrées de biais, les unes contre les autres, le long du chemin sablonneux, donnent au poste de pêche de la Dune-du-Sud l’air d’un village en miniature bâti pour des nains. Mais voici que s’avancent, endimanchés, trois pêcheurs venant par ce bon soleil flâner autour de leurs bottes et déguster la petite bière de chenève que débite subrepticement à des amis, le marchand de l’endroit. Du coup, et pour jamais, l’hypothèse du nanisme tombe d’elle-même ! Les hommes du Havre-aux-Maisons sont hauts, remarquablement hauts. En un siècle plus panaché que le nôtre, ceux-ci eussent pu devenir de superbes d’Artagnan et d’étonnants Lagardère. Le nord-est qui soufflette sans cesse les visages madelinots y sculpte parfois des masques terribles ! Ces trois hommes par exemple, malgré tout ce que je sais de la douceur de leurs mœurs, ont vraiment l’air bravo, et pour peu que le couteau à morue voulût bien s’allonger en rapière, ce seraient Athos, Porthos et Aramis !