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LA GRANDE-ENTRÉE

alouettes humaines, plus fragiles et moins bonnes que les autres ! Memento quia pulvis es !

De la dune encore ! Des genévriers qui rampent pour mûrir dans le sable chaud leurs gros fruits bleus, des camarines qui feutrent le pas et des esterlais qui planent en rond ! Enfin, voici l’extrémité de la Pointe-de-l’Est où la mer nous interdit d’aller plus outre. Sans la haute terre de Brion — Brion ! l’enfant perdu de la Madeleine ! — qui se silhouette au nord, on se croirait ici au bout de l’archipel.

Les ossements de navires, enlisés partout sur notre route, laissaient déjà pressentir que ce désert est en même temps une nécropole, l’un des lugubres charniers où la mer roule et dévore ses victimes. Depuis les jours lointains — quatre siècles bientôt — où les aventuriers français et leurs rivaux d’Angleterre pénétrèrent dans le Golfe, les bancs de sable et les échoueries des îles de la Madeleine se sont dressés comme une menace toujours présente sur le chemin des pilotes, et de connivence avec le nord-est, ont englouti des milliers de navires et des légions de marins. Un seul vieux Madelinot a compté durant sa vie, cinq cents navires à la côte, grands et petits. Tous les gens un peu âgés ont des histoires terribles à narrer sur ce chapitre. C’est toute une flottille de pêche qui, vers 1873, le vent ayant tourné subitement, fut jetée à la côte dans la Baie