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LA GROSSE-ISLE

L’homme prit sa pipe, la tourna entre ses doigts, oublia de l’allumer, et s’assit sur la boîte à charbon, les jambes écartées, regardant à terre. Ce fut tout.

La petite Justine entra, portant de l’eau. Les yeux grands, elle regarda tour à tour son père et sa mère, comprit, et son beau visage d’enfant, modelé pour le rire et la joie, se durcit un peu. Elle ne dit rien non plus. D’un souple mouvement, rejetant sur son dos ses fortes nattes blondes, elle s’assit, le menton sur le poing, près du poêle qui chantait.

Quelle impuissance est la nôtre devant la fatalité apparente de ces douleurs muettes et imméritées !… On cherche des mots qui ne viennent pas, une forme de sympathie qui ne soit pas indiscrète. Au fond, il n’y en a qu’une : s’associer docilement au silence de tous.

Un bruit de voix au dehors, et un pas rapide qui foule le seuil.

— Édouard à Léon !

C’est bien lui, cette fois ! Quoique nul ne l’ait vu venir, son botte est déjà mouillé, et il entre à grands pas, son sac rouge sur l’épaule, pressé d’échanger le courrier et de s’en retourner. Nous allons donc pouvoir partir, enfin ! Ce n’est pas trop tôt ! Un peu plus et nous manquions le