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BRION

d’un jour de printemps, parmi la verdure, les arbres et les fleurs ?…

Parce que j’ai foulé moi-même l’étroite dune où, certainement, Cartier vint à terre, parce que j’ai mis mes pas dans ses pas et rempli mes yeux du même horizon et des mêmes objets, je comprends l’état d’âme du capitaine et je proclame avec lui que Brion est le paradis de la Madeleine.

Sauf les Acadiens qui gardent le phare et la famille écossaise dont les trois ou quatre maisons occupent l’anse de la dune, Brion est inhabité, tout à fait nature, une forêt courte et drue y alternant avec des prairies naturelles vieilles comme le Golfe et qui ont fait croire à des cultures basques préhistoriques. Des fonds très poissonneux entourent l’île ; ils attirent au cours de l’été des groupes de pêcheurs qui viennent camper dans les anses et animer un peu cette solitude dorée.

Tout juste vingt-quatre heures à passer à Brion ! Il n’y a donc pas de temps à perdre ! Aussi, à peine débarqués, confiant nos bagages au mousse d’Édouard à Léon qui les portera au phare, nous nous élançons sur la prairie en dos d’âne, ouverte devant nous entre les deux lisières noires des arbres. Comment ne pas être saisi dès l’abord, par la fertilité inconcevable de cette terre où les plantes sauvages elles-mêmes,