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les forçats du mariage

Marcelle ne put dormir. Elle passa une partie de la nuit à écrire à Cora.

Elle lui raconta l’histoire de ces dix jours : ses félicités premières, les douleurs de la veille et son angoisse présente. Elle demandait, tout éperdue, des conseils.

« Au bout de dix jours ! écrivait-elle. Ah ! je le vois, c’en est fait de mon bonheur. Je l’ennuie. Aujourd’hui c’était un bâillement comprimé ; demain il bâillera tout à fait. S’il avait eu du chagrin seulement de la scène d’hier, quand il m’a vue à ses genoux, il m’eût pardonné. Mais, contre l’ennui, je ne puis rien, rien, et c’est là ce qui me désespère.

Voici la réponse de Cora Dercourt :

« Ta lettre m’a désolée, pauvre chère. Hélas ! elle ne m’a guère surprise. Du matin au soir, tu répètes à ton Robert que tu l’adores, et il bâille ; tu te montres jalouse, défiante, tyrannique, et il ment. Tu te jettes à ses genoux. Eh bien ! avant qu’il soit peu, il ne prendra plus la peine de te relever ; il t’y laissera, s’il ne te foule aux pieds.

» Tu aimes passionnément ton mari, dis-tu. Mais l’amour t’aveugle ; il t’enlève le sentiment de ta dignité et le plus simple bon sens.

» Sans doute il faut aimer son mari, l’aimer de toutes ses forces, il faut être vertueuse ; mais il faut rendre cette vertu possible en faisant durer