Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
les forçats du mariage

— Qu’appelez-vous dissipation ? Ne comprendrez-vous donc jamais que nous autres hommes, fatigués, écrasés par les affaires, les soucis, les luttes de la vie, nous ayons besoin de distractions fortes, d’émotions variées, de plaisirs intenses ? Vous qui vous plaignez sans cesse et posez en victime, en quoi m’avez-vous aidé dans l’œuvre de notre fortune ?

— Dieu m’est témoin, soupira Sophie, que je ne réclame rien pour moi, mais pour notre enfant. Comme moi, elle serait plus heureuse avec moins de fortune et plus d’affection.

— Marcelle n’est, comme vous, qu’une sotte ; si elle tyrannisait moins son mari, il l’aimerait davantage. Ce sont vos conseils et vos doléances qui troublent ce jeune ménage.

— Moi, moi ! c’est moi qui suis cause du malheur de ma fille !

— Positivement ! Si vous l’aviez mieux élevée et lui aviez inculqué le respect de la supériorité masculine, aujourd’hui elle ne voudrait pas faire de son mari un ridicule Sigisbé, une sorte de chauffe-la-couche.

— Ah ! je ne lui ai rien conseillé. Je lui ai donné mon cœur, voilà tout.

— Votre cœur ! votre cœur ! Vous croyez avoir tout dit avec ce mot-là. Mais nous aussi, nous avons un cœur. Seulement il est moins borné ; il peut contenir plusieurs affections, sans qu’elles se nui-