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les forçats du mariage

— Pauvre femme ! tu as raison, dit Cora. Le mal, c’est que nos lois, comme notre morale, veuillent ramener tous les hommes au même moule, sans admettre l’infinie variété des caractères, tout aussi normale et légitime que l’infinie variété des visages. Une loi qui prétendrait soumettre les visages à un type unique, et qui déclarerait subversifs et punissables tous ceux qui s’en écarteraient, ne me paraîtrait pas plus insensée que la loi qui prétend enserrer tous les amours dans des chaînes éternelles. Au moins faudrait-il, quand, par exemple, deux natures tout à fait dissemblables se sont méprises en s’unissant, qu’elles pussent se désunir et recouvrer la liberté.

— Ah ! oui, je sais, tu prêches le divorce.

— Eh bien ! n’es-tu pas de mon avis maintenant ?

— Maintenant, que ferais-je de cette liberté ? Pour rien au monde, je ne voudrais me remarier ni aimer.

— Aujourd’hui, c’est possible ; mais dans deux ou trois ans, quand tes plaies seront parfaitement cicatrisées, ton pauvre cœur, si jeune encore et si aimant, souffrira de l’isolement. Car rien ne s’oublie plus vite que la douleur ; et c’est là sans doute un des plus grands bienfaits de la nature.

Comme Marcelle secouait tristement la tête en signe de dénégation, un domestique annonça M. Moriceau.