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les forçats du mariage

— Au contraire, plus que jamais. J’ai souffert tant que mon organisation était hors de sa voie normale. Depuis que j’ai trouvé ma véritable destinée, c’est-à-dire l’amour de l’art, le travail dans le calme de la vie de famille, je suis le plus heureux des hommes. Tu vois donc bien que mon histoire prouve en faveur de ma thèse.

— Cependant, allégua son interlocuteur, supposons que la belle Juliette, au lieu de tomber sur un mari qu’elle n’aimait pas, un mari jaloux comme plusieurs tigres, jaloux comme un vrai peau-rouge, pas civilisé du tout, eût épousé Robert de Luz, crois-tu qu’elle n’eût pu faire une bonne et vertueuse femme ?

— Mariés, répliqua l’artiste, ces deux êtres-là se fussent arraché les yeux au bout de quinze jours ; car ils ne comprennent pas les sentiments tendres. Tandis que voilà dix ans qu’ils s’aiment, qu’ils souffrent, qu’ils se brouillent, qu’ils se réconcilient. Sans doute, cette vitalité exubérante, cette imagination toujours surexcitée, cette ardeur sensuelle inépuisable, constituent une maladie réelle. De pareils êtres sont des produits de notre société subversive, des sortes de maniaques passionnels qui portent avec eux le désordre et la douleur. Mais combien ne sont-ils pas plus redoutables encore quand ils sont enchaînés ?

— Encore une question sur cette belle Juliette, qu’un de mes amis a, comme toi, connue particuliè-