Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
les forçats du mariage

l’amour et la haine, la dignité offensée et l’anxiété suppliante.

Elle était à la fois touchante et terrible. Ses lèvres tremblaient.

Robert l’observait avec une sorte d’effroi.

Lui avouer qu’il l’aimait aussi, c’était impossible ; lui dire qu’il ne l’aimait pas, c’eût été la tuer peut-être.

Il ne répondit rien.

Mais elle interpréta ce silence ; elle poussa un gémissement étouffé et se jeta éperdue sur le divan.

Robert voulut s’approcher d’elle.

— Sortez, s’écria-t-elle en se relevant tout à coup.

— Non, ma pauvre enfant, reprit Robert ému, je ne puis vous laisser en cet état. Depuis le jour où votre mère me pria, malgré ma jeunesse, de vous protéger, je me fis un devoir, bien plus, un point d’honneur de vous regarder comme ma fille.

— Vous saviez bien pourtant que je vous aimais ?

— J’avais cru, en effet, le deviner.

— Alors, pourquoi reveniez-vous ?

— Je voulais m’abuser. Enfin, je serai sincère. À mon insu peut-être, le charme du danger m’attirait.

— Était-ce là remplir votre devoir vis-à-vis de votre fille ?

— J’étais sûr de résister.