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tion en prose n’a sans doute pris ce nom que comme un pseudonyme. Les trois premiers livres ont été au douzième siècle paraphrasés en vers élégiaques par un anonyme qu’a édité Nevelet en 1610, et qui est connu sous le nom de Anonymus Neveleti. C’est cette paraphrase que le moyen-âge connaissait sous le nom d’Ysopus[1], d’où le titre du recueil de Marie, Ysopet (petit Esopus).

D’après le témoignage de Marie, un roi d’Angleterre, Henri iii ou tout autre (mais ce ne peut être qu’à la fin du douzième siècle ou au commencement du treizième), aurait traduit l’Ysopet en anglais, et cette version aurait servi de base au travail de notre poète. Assurément, Marie se trompe en affirmant que le roi Henri[2] le traduisit d’abord du grec en latin, et puis du latin en anglais. Nous venons de voir, en effet, qu’il n’existait pas à cette époque de rédaction grecque des fables ésopiques, et elle ne fait que suivre la tradition en attribuant à Ésope la paternité des fables latines. Mais l’existence d’une version anglaise de l’Ysopet a été constatée par M. de Roquefort, qui a eu, il est vrai, le tort de croire qu’elle avait été faite sur une rédaction grecque des fables d’Ésope. Il est facile, en effet, de voir l’analogie du texte de Marie avec la rédaction en prose de Romulus et avec les vers élégiaques qui en sont la paraphrase. Et c’est sur cette ressemblance incontestable que se basait Legrand-d’Aussy, quand il affirmait que les fables de Marie avaient été tirées directement du latin, et que ces mots de l’Épilogue : le translata puis en angleiz, n’étaient qu’une vaine formule, pour obéir à la mode, de même qu’au siècle précédent on disait des chansons de gestes, pour leur donner de l’autorité, qu’elles étoient traduites du latin. Mais cette conjecture ingénieuse tombe d’elle-même à l’examen du texte. En effet, les fables, comme les lais, sont écrites dans le

  1. Cf. Œsterley, Romulus, p. xxiv.
  2. Voir la note à la fin du chapitre ii.