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dialecte anglo-normand, du moins dans les bons manuscrits. Quelques mss. portent des traces nombreuses de l’orthographe et de la prononciation picardes, ou même de celles de l’Ile-de-France ; mais on peut en rendre responsable le scribe. Voici un indice plus caractéristique. On rencontre dans les fables un assez grand nombre de mots purement anglais, par exemple les mots wolke (tortue), witecoes (grosse bécasse) etc., soit que l’auteur, ayant un peu oublié la langue de son enfance, n’ait pas trouvé l’équivalent exact en français, soit qu’elle ait conservé le mot de la version anglaise, pour être mieux comprise de ses lecteurs. On trouve d’ailleurs dans les Fables des allusions à des ordonnances royales relatives à l’organisation de l’Angleterre à cette époque ; on y trouve même des noms de comtés, qui ne sauraient évidemment être ni dans Romulus, ni dans aucune autre des rédactions latines un peu anciennes. Il me paraît donc évident que Marie a traduit ses fables sur une version anglaise de l’Ysopus. Il va sans dire que cette traduction est un peu large, et que l’individualité de l’auteur s’y met parfaitement à l’aise. Je n’en veux pour preuve que la fable de Phèdre si connue par l’admirable imitation de La Fontaine, le Renard et le Corbeau. Je donnerai d’abord le texte latin de Phèdre, et ensuite la fable de Marie. Quant à celle de La Fontaine, elle est dans toutes les mémoires.

VULPES ET CORVUS.

Qui se laudari gaudet verbis subdolis,
Serœ dat pœnas turpes pœnitentiœ.
Cum de fenestra Corvus raptum caseum
Comesse vellet, celsa residens arbore,
Hunc vidit Vulpes, deinde sic cœpit loqui :
« O qui tuorum, Corve, pennarum est nitor !
« Quantum decoris corpore et vultu geris !
Si vocem haberes, nulla prior ales foret.
 »