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brahmanes de l’Inde, mais avec moins de raison car les femmes de l’Europe féodale étaient loin d’avoir les mêmes vices que celles de l’Orient. Le célibat où vivaient les clercs les rendait peu aptes à juger la femme avec expérience et avec respect. D’ailleurs, comme le dit fort bien M. Gaston Paris, nos pères acceptaient ces choses pour leur valeur, sans y attacher plus d’importance qu’elles ne méritaient, et « il ne faut pas apprécier la manière dont ils jugeaient la femme et le mariage d’après quelques vieilles histoires venues de l’Orient qu’ils se sont amusés à mettre en jolis vers. »

L’habitude de médire des femmes était du reste si générale au moyen-âge, que l’auteur du dit des Dames[1], Jehan, qui a écrit à la louange des femmes une pièce en quatrains monorimes, ayant sans doute conscience de la nouveauté de la thèse qu’il soutient, s’écrie :

Puisqu’amours vient de fame, miex vaut fame qu’amours.
Je le dis pour ces rimes que font ces jugleours,
Qui mesdient des dames et se font vauteours.

En dehors de l’intérêt qu’offre l’œuvre par elle-même, un grave motif nous poussait à éditer notre fableau, ou du moins à étudier sérieusement les quatre manuscrits que nous en avons. Nous étions convaincus, en effet, que la comparaison des différentes rédactions pouvait seule nous permettre, je ne dirai pas de résoudre complètement (car la chose est peut-être impossible), mais de jeter quelque jour sur le problème de l’origine de ce fableau problème qui se rattache, comme on le verra plus loin, à celui que j’ai posé au commencement de ce travail, c’est-à-dire à la question de savoir si Marie de Compiègne et Marie de France ne sont qu’une seule et même personne.

  1. Cité par Mussafia, dans son catalogue des mss. de Pavie, récemment publié.