Page:Marie de Compiègne - L’évangile aux femmes.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46

xvi Savoir talent de feme ne cornent se puet faindre.
Cho ne puet bouche dire, cuer penser ne ataindre.
Puisqu’ele velt le cose, nus ne le puet destraindre
Nient plus com on porroit un blanc drap en noir teindre.
(Lisez : un noir drap en blanc teindre.)

xvii C’est merveille de feme, onques tele ne fu ;
D’aemplir son talent adies a l’arc tendu.
Qui le miex en cuide estre souvent a tot perdu ;
Ne s’en set on warder, sont mal por bien rendu.

xv. 4. — Nient = néant, de ne et ens, participe du verbe esse. Le sens, comme on le voit, est celui de notre mot (ne) pas, ou de rien pris négativement. Rien, au moyen-âge, est toujours affirmatif ; il signifie simplement chose, et vient de rem. JI fait au sujet singulier et au régime pluriel, riens, et au régime sing, et suj. plur. rien. Riens participe ainsi de res, par l’s du cas sujet, et de rem par.la nasale.

xvi. a. — C : Et comment se scet feindre.

xvi. cd. — C :

Quant el scet une chose, si la puet on esteindre (étouffer, cacher) ]
Aussi com on porroit un vert drap en blanc teindre.

Cette leçon du 4e vers donne la correction probable du quatrième de A. J’ai traduit en conséquence.

xvi. 3. — Le cose = la chose. L’article féminin et le pronom personnel féminin, en picard, sont très-souvent le. Cf. Alebrant, f° 22: Qu’il ait en le maison cantepleures, et ke li pavemens soit arousés d’ewe froide ; et Tailliar (Recueil d’actes des xiiet xiiie siècles en langue romane et wallonne), El y auls pourvoir profitablement, qui pour le faibleté de leur corps ne poent entendre à la deffense de leur choses. — Cf. aussi même vers : le puet destraindre. Cf. aussi A. XXII. b., XXIV. c. et XXVII. b, Cose, de causa, forme picarde aussi, comme il s’en rencontre tant dans ce ms.

xvii. a. — M. Jubinal imprime : C’onquel tele ne fu, qui ne se rencontre ni dans les deux manuscrits qu’il a consultés, ni dans le ms. de Dijon. Tous portent Onques,etc.

D : Grant merveille est de feme.

xvii. b. — B donne : De bien fere et de dire (sans doute pour bien dire) a tozjors l’arc tendu. D : De tous biens entreprendre a touzjours l’air (sic) tendu . Le scribe a sans doute pris le c final pour un r, et l’r qui précède pour un i, ce qui est fort possible dans l’écriture de cette époque.

Je lis, dans le ms. A, d’aemplir, en latin adimplere.

Il est impossible d’y lire d’acomplir, car il y a : da éplir, avec le signe d’abréviation remplaçant l’n ou l’m (l’anusvara), sur la lettre e.