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LAI DU FRÊNE.

dire. Dame, reprit-il, vous feriez mieux de vous taire que de parler ainsi ; il est certain que l’accouchée mérite la bonne réputation dont elle jouit. Les gens de la maison, présents à la scène qui venoit d’avoir lieu, répétèrent les propos tenus par leur maîtresse. La nouvelle s’en répandit dans toute la Bretagne. La méchante fut blâmée par toutes les personnes du sexe ; pauvres et riches la prirent en haine et la méprisèrent. Le messager de retour chez son maître, lui rapporta la conversation qu’il avoit entendue. Celui-ci fut bien chagrin des propos qui avoient été tenus chez son ami ; il prit son épouse en aversion, et pensa qu’elle l’avoit réellement trompé ; dès cet instant il fit mauvais ménage, et n’eut plus de confiance dans la mère de ses enfants ; il sembloit que ce mari recherchât tous les moyens imaginables pour affliger cette malheureuse femme, tant il étoit persuadé qu’elle étoit coupable.

La dame qui avoit si mal parlé devint enceinte à son tour dans la même année, et arrivée à son terme, elle accoucha de deux