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LAI DU FRÊNE.

en disant ces paroles, la fit tomber en pamoison. Revenue à elle, la dame fait appeler son mari, qui arrive tout effrayé. Sitôt qu’il est entré, sa femme tombe à ses genoux qu’elle baise, et le prie de lui pardonner. Le mari, qui ne savoit rien de l’aventure, répondit : Dame, il n’existe aucune dispute entre nous, veuillez-vous lever, car vous êtes toute pardonnée. Faites-moi le plaisir de me faire connoître ce que vous desirez. Sire, je n’avouerai ma faute que lorsque vous m’aurez écoutée, et ensuite pardonnée. Il vous ressouvient du jugement téméraire que je portai sur ma voisine qui étoit accouchée de deux garçons. Je parlai contre moi sans le savoir. À mon tour j’eus deux filles à-la-fois ; j’en cachai une qui fut portée dans un couvent. Je l’enveloppai avec l’étoffe précieuse que vous aviez rapportée de Constantinople,[1] et je cachai dans ses langes le bel anneau que vous m’aviez donné la première fois que vous me parlâtes. Eh bien, sire, rien ne peut être caché, je viens de retrouver ici l’étoffe, l’anneau, et ma fille que j’avois perdue par

  1. Dès les premiers temps de la monarchie, la France faisoit un grand commerce avec Constantinople alors le dépôt de toutes les marchandises d’Orient. On en tiroit des étoffes de soie richement brodées, de la pourpre, des pelleteries, et sur-tout des épices dont le débit étoit considérable.

    Voy. plus bas la note du Lai de Lanval.