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LAI DE GRAELENT

réserve au chevalier et lui découvre sa passion. Ami, lui dit-elle, je vous aime passionnément ; et je vous l’avouerai même, j’ai toujours éprouvé pour le roi un attachement très-foible. Pour vous mon amour est sincère, je vous accorde toute ma tendresse, soyez mon ami et moi votre amie. Je vous remercie beaucoup, madame, de l’honneur que vous me faites ; je ne puis en profiter, puisque je suis à la solde du roi. En entrant à son service, je lui promis foi et fidélité, je lui promis de défendre sa vie et son honneur ; j’ai renouvelé mon serment et jamais je ne le trahirai.[1] À ces mots, il salua la reine et prit congé d’elle.

En le voyant partir la princesse soupire,

  1. Ce discours de Graelent est fort sage, sur-tout quand on saura qu’attenter à l’honneur de son seigneur étoit un crime de félonie, si l’on étoit à son service. L’exemple de Lancelot dont on pourroit s’autoriser, est encore plus à blâmer, selon les statuts de la chevalerie et les lois alors en usage. Lancelot étoit vassal, il commettoit un crime de lèse-féodalité qui, entre autres peines, entraînoit la confiscation du fief.