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LAI DE L’ÉPINE

joute, vous veniez à perdre la vie ou à être dangereusement blessé, cela seroit bien malheureux ; outre le prix que vous auriez perdu, on ne parleroit point de vos hauts faits. Personne ne connoîtroit votre aventure qui resteroit ignorée à jamais. Votre belle amie seroit emmenée par le vainqueur avec le bon cheval castillan que vous avez conquis par votre courage. Outre la richesse de ses harnois, dont on n’a jamais vu de pareils, vous possédez le coursier le plus beau, le mieux fait ; on ne pourroit en rencontrer un plus véloce à la course. Ne soyez point surpris de mon discours, je sais que vous êtes courageux et brave, j’aurois également pu perdre ce magnifique cheval. Le prince partagea l’opinion du chevalier qui parloit d’une manière si sensée. Il eût bien voulu aller parler à son amie, mais il préfère jouter avec son adversaire dont il lui tarde d’être séparé. Saisissant les rênes de son cheval, il prend une bonne lance de frêne, puis s’éloigne du chevalier pour prendre carrière.

Les deux rivaux piquent des deux, pour