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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/103

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LA MORT DES FORTERESSES

dont la quille éraflait élégamment
les reins souples des vagues, au hasard des voyages…
Elles s’en allaient nonchalamment,
en s’inclinant à droite, à gauche, au gré des brises,
roulant leur poupe comme des hanches,
gonflant leurs voiles blanches
comme des seins jaillis hors du corsage.
Elles voguaient soulevant au passage
leur jupe ébouriffée d’écume en éventail,
cambrant le gouvernail ainsi qu’une cheville
en un sillage froufroutant de dentelles.

Les carènes filaient sournoisement
sous la lanterne rouge des couchants maraudeurs,
serrant sur leur poitrine leurs voiles palpitantes,
éteignant sur la proue
leurs grands fanaux versicolores,
comme on cache des bijoux fascinateurs
dans les pans rabattus d’un ample manteau noir.