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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/104

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LA VILLE CHARNELLE

Au large de la mer, les carènes vécurent,
heureuses, de la pulpe mûre
et parfumante de l’aurore…

Dans la pâmoison des nuits printanières,
elles se lamentèrent, en panne,
avec un frais roulis de berceau qui s’endort,
désespérées d’attendre la brise favorable
sous le ricanement strident des lunes jaunes,
guettant le cuivre d’une étoile filante
qui tinte au creux des mers comme une aumône,
dans la sébile d’un misérable.

Dans les chantiers fuligineux qui ronflent
et bourdonnent comme des cloches sous la pluie,
tous les ans,
à la Saint-Jean,
des calfats empouacrés de suie
radoubaient le bas-ventre moussu des carènes