Aller au contenu

Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
LA VILLE CHARNELLE

Un jour de beaux enfants crépitants de jeunesse
s’étaient rués à vos genoux,
s’agrippant à vos jupes, en un falot de joie :
— « Ô ma petite mère, faut nous laisser partir,
nous désirons jouer et danser au soleil… »
Car ils avaient senti palpiter au dehors
sur les volets fermés ainsi que des paupières
le blond soleil des Dimanches qu’on rêve,
et se gonfler comme un grand cœur heureux de vivre…
C’est ainsi, c’est ainsi que les jeunes Navires
implorent affolés leur délivrance,
en s’esclaffant de tous leurs linges bariolés
claquant au vent comme des lèvres brûlées de fièvre.
Leurs drisses et leurs haubans se raidissent
tels des nerfs trop tendus qui grincent de désir,
car ils veulent partir et s’en aller,
vers la tristesse affreuse (qu’importe ?), inconsolable
et (qu’importe ?) infinie,
d’avoir tout savouré et tout maudit (qu’importe ?).