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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/111

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LA MORT DES FORTERESSES

Les Forteresses, aux yeux vitreux brouillés de larmes,
marmonnèrent : « Nous sommes revenues des voyages,
vaincues et dégrisées par l’horreur des mirages
et des plages où nos quilles agonisèrent
sous la dent des Rochers !…
Prenez garde ! Ils vous guettent,
sournois comme des bonzes que nourrit la Tempête
en leur offrant les voiles qui roucoulent
au large, déployées, ainsi que des colombes !…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Garez-vous du sourire enjôleur des Sirènes

qui vivent invisibles et cachées sous la mer !…
Un soir, nous devinâmes leurs lèvres désirantes
aux suaves bouillonnements des flots…
Lentement nos antennes s’amollirent,
et nous flottions parmi nos toiles dégrafées,
le beaupré tâtonnant sur l’horizon
et les flancs assoiffés de plénitude immense.
Nos longs cheveux brûlaient sous la chaude torture