Aller au contenu

Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
LA MORT DES FORTERESSES

Puis dépassant le goulet noir tacheté de lumière
ils s’enfoncèrent à pas lents dans l’au-delà des mers.
On les voyait de loin, déjà fourbus,
chanceler sur l’émeute des flots aux dents de scie,
près de la bouche incandescente du Soleil
qui s’accouda joyeusement aux nuages vermeils.

Et c’est ainsi, et c’est alors, parmi les gestes
chatoyants et fleuris de l’Aurore,
que les antiques Forteresses,
tremblotant sur leur siège de marbre immémorial,
avec sur les genoux des terrasses désertes
que lave coup sur coup l’horreur de l’infini,
moururent tout à coup d’avoir vu le Soleil
lascif et levantin, mordiller et manger
de ses dents embrasées, les vaisseaux puérils
aux voilures semées d’azur et de béryls
comme des violettes amollies de rosée.