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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/166

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LA VILLE CHARNELLE

et son sang ruissela, rose, dans la pénombre
tout le long du beaupré, éclaboussant les vagues.

Les marins assoupis ronflaient dans le tangage
monotone, et les flots jasaient éperdument
contre la quille, en s’amusant
de mille enfantillages…
Et nul ne consolait la Lune
au pur visage exténué par la lenteur des larmes…
quand le vent déchaîna
les meutes affamées des nuages crochus
aux prunelles de lave
qui bavent des éclairs à l’infini.

Le vent noir, d’un grand geste, empoigna le voilier
par les cheveux, et le frappa
comme on frappe un esclave
en culbutant la Lune dans le gouffre des mers…