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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/187

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À MADAME ADA NEGRI

Dans le sinistre accablement des soirs d’été,
sur cette platitude d’immenses marécages
où le Tessin va serpentant avec solennité,
parmi les verdoyants rideaux des peupliers,
s’élève un long fantôme de torse fumée jaune,
dont l’haleine fétide allume le sang pâle
aux miséreux qui voient leurs bras cadavéreux
se couvrir peu à peu de sombres tatouages.

Tels des cliquets de bois annonçant des lépreux,
le bruit sec de leurs dents grelottantes de fièvre
les précède tandis qu’ils s’en vont pataugeant,
les jambes lasses, dans la fange des rizières,