Aller au contenu

Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
LA VILLE CHARNELLE

Et de rêves plaintifs
Qu’on égorge le soir pour les rôtir,
Sanglants et embrochés, sur les grands feux vermeils
Dont l’éclat épouvante les remords affamés,
Avant que notre ennui s’emmitoufle de nuit
Et de sommeil…

Ô poète au front blanc, resplendissant et pur
Comme les cimes des montagnes inaccessibles
Hantées par des peuplades d’étoiles bienheureuses,
Tu fus sans doute en quelque vie lointaine
Un chef de caravane dans le Soudan ocreux,
Un cheik à burnous blanc tanguant sur son chameau,
Et tes chansons hilares se mêlaient drôlement
Aux sanglots noirs d’une benjoh.

Car ta voix a l’ampleur du désert sans limites,
Tes yeux ont l’éternel miroitement des sables,
Tes strophes ont la cadence des routes onduleuses