Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Non, je mériterais une amitié parjure,
Si j’osais un moment vous faire cette injure.
Et que pourriez-vous craindre en gardant votre foi ?
Est-ce d’être vaincu, de cesser d’être roi ?
Si vous n’exercez pas les droits du rang suprême,
Si vous portez des fers avec un diadème,
Et si de vos enfants vous ne disposez pas,
Vous ne pouvez rien perdre en perdant vos États.
Mais vous les défendrez : et j’ose encor vous dire
Qu’un prince à qui le ciel a commis un empire,
Pour qui cent mille bras peuvent se réunir,
Doit braver les Romains, les vaincre et les punir.

FLAMINIUS

Annibal est vaincu ; je laisse à sa colère
Le faible amusement d’une vaine chimère.
Épuisez votre adresse à tromper Prusias ;
Pressez ; Rome commande et ne dispute pas ;
Et ce n’est qu’en faisant éclater sa vengeance,
Qu’il lui sied de donner des preuves de puissance.
Le refus d’obéir à ses augustes lois
N’intéresse point Rome, et n’est fatal qu’aux rois.
C’est donc à Prusias à qui seul il importe
De se rendre docile aux ordres que j’apporte.
Poursuivez vos discours, je n’y répondrai rien ;
Mais laissez-nous après un moment d’entretien.
Je vous cède l’honneur d’une vaine querelle,
Et je dois de mon temps un compte plus fidèle.

ANNIBAL

Oui, je vais m’éloigner : mais prouvez-lui, Seigneur,
Qu’il ne rend pas ici justice à votre cœur.