Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/173

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Votre main est pour moi d’un prix inestimable,
Et vous me la donnez si je deviens coupable !
Ah ! vous ne m’offrez rien.

LAODICE

Vous vous trompez, Seigneur ;
Et j’en ai cru le don plus cher à votre cœur.
Mais à me refuser quel motif vous engage ?

FLAMINIUS

Mon devoir.

LAODICE

Suivez-vous un devoir si sauvage
Qui vous inspire ici des sentiments outrés,
Qu’un tyrannique orgueil ose rendre sacrés ?
Annibal, chargé d’ans, va terminer sa vie.
S’il ne meurt outragé, Rome est-elle trahie ?
Quel devoir !

FLAMINIUS

Vous savez la grandeur des Romains,
Et jusqu’où sont portés leurs augustes destins.
De l’univers entier et la crainte et l’hommage
Sont moins de leur valeur le formidable ouvrage
Qu’un effet glorieux de l’amour du devoir,
Qui sur Flaminius borne votre pouvoir.
Je pourrais tromper Rome ; un rapport peu sincère
En surprendrait sans doute un ordre moins sévère :
Mais je lui ravirais, si j’osais la trahir,
L’avantage important de se faire obéir.
Lui déguiser des rois et l’audace et l’offense,
C’est conjurer sa perte et saper sa puissance.
Rome doit sa durée aux châtiments vengeurs