Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/506

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L’AMOUR

Saluez.

CUPIDON

Le compliment est sec ; mais je vous le pardonne. Un proscrit n’est pas de bonne humeur.

L’AMOUR

Un proscrit ! Vous ne devez ma retraite qu’à l’indignation qui m’a saisi, quand j’ai vu que les hommes étaient capables de vous souffrir.

CUPIDON

Malepeste ! que cela est beau ! C’est-à-dire que vous n’avez fui que parce que vous étiez glorieux : et vous êtes un héros fuyard.

L’AMOUR

Je n’ai rien à vous répondre. Allez, nous ne sommes pas faits pour discourir ensemble.

CUPIDON

Ne vous fâchez point, mon confrère. Dans le fond, je vous plains. Vous me dites des injures : mais votre état me désarme. Tenez, je suis le meilleur garçon du monde. Contez-moi vos chagrins. Que venez-vous faire ici ? Est-ce que vous vous ennuyez dans votre solitude ? Eh bien, il y a remède à tout. Voulez-vous de l’emploi ? je vous en donnerai. Je vous donnerai votre petite provision de flèches ; car celles que vous avez là dans votre carquois ne valent plus rien… Voyez-vous ce dard-là ? Voilà ce qu’il faut. Cela entre dans le cœur, cela le pénètre, cela le brûle ; cela l’embrase : il crie, il s’agite, il demande du secours, il ne saurait attendre.