Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/114

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d’avoir rien éprouvé de plus triste que ce qui se passa dans mon cœur en cet instant.

Nous qui sommes bornées en tout, comment le sommes-nous si peu quand il s’agit de souffrir ? Cette maison où je croyais ne pouvoir demeurer sans mourir, je ne pus la quitter sans me sentir arracher l’âme ; il me sembla que j’y laissais ma vie. J’expirais à chaque pas que je faisais pour m’éloigner d’elle, je ne respirais qu’en soupirant ; j’étais cependant bien jeune, mais quatre jours d’une situation comme était la mienne avancent bien le sentiment ; ils valent des années.

Mademoiselle, me disait le fermier, qui avait presque envie de pleurer lui-même, marchons, ne retournez point la tête, et gagnons vite le logis. Votre grand’mère nous aimait, c’est comme si c’était elle.

Et pendant qu’il me parlait, nous avancions ; je me retournais encore, et à force d’avancer, elle disparut