Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/130

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d’abréger ma vie, je suis capable de tout ; je ne prévois que des horreurs, je n’imagine que des abîmes, et il est sûr que nous péririons tous deux.

Elle fondait en larmes en me tenant ce discours ; elle avait les yeux égarés ; son visage était à peine reconnaissable, il m’épouvanta. Nous gardâmes toutes deux un assez long silence ; je le rompis enfin, je pleurai avec elle.

Tranquillisez-vous, lui dis-je, vous êtes née avec une âme douce et vertueuse ; ne craignez rien, Dieu ne vous abandonnera pas ; vous lui appartenez, et il ne veut que vous instruire. Vous comparerez bientôt le bonheur qu’il y a d’être à lui au misérable plaisir que vous trouvez à aimer un homme faible, corrompu, tôt ou tard ingrat, pour le moins infidèle, et qui ne peut occuper votre cœur qu’en l’égarant, qui ne vous donne le sien que pour vous perdre ; vous le savez bien, vous me le dites vous-même, c’est d’après vous que je parle ; et tout ceci n’est qu’un trouble passager qui va se dissiper, qu’il fallait que vous connussiez pour en être ensuite plus forte, plus éclairée, et plus contente de votre état.

Je m’arrêtai là ; une cloche sonna qui l’appelait à l’