Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/176

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raison de m’aimer, et ne le concluait qu’en m’aimant tous les jours davantage.

Depuis que j’étais avec elle, je ne l’avais jamais vue qu’en parfaite santé ; mais comme elle était d’un âge très avancé, insensiblement cette santé s’altéra. Mme Dursan, jusque-là si active, devint infirme et pesante ; elle se plaignait que sa vue baissait ; d’autres accidents de la même nature survinrent. Nous ne sortions presque plus du château, c’étaient toujours de nouvelles indispositions ; et elle en eut une, entre autres, qui parut lui annoncer une fin si prochaine, qu’elle fit son testament sans me le dire.

J’étais alors dans ma chambre, où il n’y avait qu’une heure que je m’étais retirée, pour me livrer à toute l’inquiétude et à toute l’agitation d’esprit que me causait son état.

J’avais pris tant d’attachement pour elle, et je tenais si fort à la tendresse qu’elle avait pour moi, que la tête me tournait quand je pensais qu’elle pouvait mourir.

Aussi, depuis quelques jours, étais-je moi-même extrêmement changée. De peur de l’effrayer cependant, je paraissais tranquille, et tâchais de montrer un peu de ma gaieté ordinaire.

Mais en pareil cas on rit de si mauvaise grâce, on imite si mal et si tristement ce qu’on ne sent point ! Mme Dursan ne s’y trompait pas, et souriait tendrement en me regardant comme pour me remercier de mes efforts.

Elle venait donc d’écrire son testament, quand je