Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/186

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Et puis, m’adressant à lui : Vous ont-ils ôté votre gibier ? lui dis-je. Non, mademoiselle, me répondit-il, et je ne saurais trop vous remercier de la protection que vous avez la bonté de m’accorder dans cette occasion-ci. Il est vrai que je chasse, mais pour un motif qui vous paraîtra sans doute bien pardonnable ; c’est pour un genthilhomme qui a beaucoup de parents dans la noblesse de ce pays-ci, qui en est absent depuis longtemps, et qui est arrivé d’avant-hier avec ma mère. En un mot, mademoiselle, c’est pour mon père ; je l’ai laissé malade, ou du moins très indisposé dans le village prochain, chez un paysan qui nous a retirés ; et comme vous jugez bien qu’il y vit assez mal, qu’il n’y peut trouver qu’une nourriture moins convenable qu’il ne faudrait, et qu’il n’est guère en état de faire beaucoup de dépense, je suis sorti tantôt pour aller vendre un petit bijou que j’ai sur moi, dans la ville qui n’est plus qu’à une demi-lieue d’ici ; et en sortant j’ai pris ce fusil dans l’intention de chasser en chemin, et de rapporter à mon père quelque chose qu’il pût manger avec moins de dégoût que ce qu’on lui donne.

Vous voyez bien, Marianne, que voilà un discours assez humiliant à tenir ; cependant, dans tout ce qu’il