Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/187

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me dit là, il n’y eut pas un ton qui n’excitât mes égards autant que ma sensibilité, et qui ne m’aidât à distinguer l’homme d’avec sa mauvaise fortune. Il n’y avait rien de si opposé que sa figure et son indigence.

Je suis fâchée, lui dis-je, de n’être pas venue assez tôt pour vous épargner ce qui vient de se passer, et vous pouvez chasser ici en toute liberté ; j’aurai soin qu’on ne vous en empêche pas. Continuez, monsieur ; la chasse est bonne sur ce terrain-ci, et vous n’irez pas loin sans trouver ce qu’il faut pour votre malade. Mais peut-on vous demander ce que c’est que ce bijou que vous avez dessein de vendre ?

Hélas ! mademoiselle, reprit-il, c’est fort peu de chose : il n’est question que d’une bagatelle de deux cents francs, tout au plus, mais qui suffira pour donner à mon père le temps d’attendre que ses affaires changent ; la voici, ajouta-t-il en me la présentant.

Si vous voulez revenir demain matin, lui dis-je après l’avoir prise et regardée, peut-être vous en aurai-je défait ; je la proposerai du moins à la dame du château qui est ma tante ; elle est généreuse ; je lui dirai ce qui vous engage à la vendre ; elle en sera sans doute touchée, et j’espère qu’elle vous épargnera la peine de la porter à la ville où je prévois que peu de gens en auront envie.

C’était en lui remettant la bague que je lui parlais ainsi ; mais il me pria de la garder.

Il n’est pas nécessaire que je la reprenne, mademoiselle, puisque vous voulez bien tenter ce que vous dites, et que je reviendrai demain, me répondit-il. Il