Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hasards à attendre, et vous vous désespérez à cause qu’un homme, qui reviendra peut-être, et dont vous ne voudrez plus, vous manque de parole !

Voilà ce que mon amie me dit dans les premiers moments de ma douleur, ajouta ma religieuse ; et je vous le dirai aussi, quand vous pourrez m’entendre.

Ici je fis un soupir, mais de ces soupirs qui nous échappent quand on nous dit quelque chose qui adoucit le chagrin où nous sommes.

Elle s’en aperçut. Ces motifs de consolation me touchèrent, me dit-elle tout de suite, et ils doivent vous toucher encore davantage ; ils vous conviennent plus qu’ils ne me convenaient. Mon amie me parlait de mes ressources ; vous en avez plus que je n’en avais ; je ne vous le dis pas pour vous flatter. J’étais assez passable, mais ce n’était ni votre figure, ni vos grâces, ni votre physionomie ; il n’y a pas de comparaison. À l’égard de l’esprit et des qualités de l’âme, vous avez des preuves de l’impression que vous faites à tout le monde de ce côté-là ; vous voyez l’estime et la tendresse que Mme de Miran a pour vous ; je ne sache dans notre maison personne de raisonnable qui ne soit prévenue en votre faveur. Mme Dorsin, dont vous m’avez parlé, et qui passe pour si bon juge du mérite, serait une autre Mme de Miran pour vous, si vous vouliez. Vous avez plu à tous ceux qui vous ont vue chez elle ; partout où vous avez paru, c’est de même ; nous en savons quelque chose. Je me compte pour rien, mais je ne m’attache pas aisément ; j’y suis difficile, et je me suis